CARBONE 14

Carbone 14, ou « la terre den haut »

Carbone 14 découle d’une exploration le long d’un plateau calcaire du Crétacé qui forme le point culminant du Mont Liban à 3 088 mètres d’altitude. Géographiquement stratégique il surplombe sur son flanc ouest la côte Méditerranéenne et Beyrouth et sur le flanc oriental la plaine de la Bekaa avec, en toile de fond, la chaîne de l’Anti-Liban.

Une dizaine d’expéditions furent effectuées durant les étés 2018 et 2019.

Cliquez sur les vignettes pour les agrandir et passer en mode plein écran.

La résultante première est un corpus photographique de paysages qui, à priori, rompent avec l’ensemble des travaux antérieurs – Devoir de vacances, Au-delà de la mer et Beyrouth Empire – qui restent hantés par la ville et son histoire. Ici, il s’agit de prendre de la distance, de la hauteur, par rapport aux conflits, guerres et diverses catastrophes qui ont secoué et ne cessent de secouer le pays et la région. A priori, aussi, il s’agit d’observer un espace inhabité ni au présent ni au passé, et où l’histoire se superpose à l’ échelle géologique du temps, sur la faille sismique du Grand Rift (une profonde crevasse entre deux plaques de la croûte terrestre qui part du sud-est de l’Afrique, et s’étend jusqu’à la Syrie) qui traverse la Palestine, creusant le Jourdain, la mer de Galilée et la mer Morte tout en façonnant des frontières physiques.

Un second corpus photographique vient compléter les paysages désolés et dépouillés de Carbone 14, celui d’artefacts recueillis sur place. Dans le sol de caillasses et de ronces, gisent des objets, vestiges, débris et fragments. Cassette audio, appareil photographique, poupée et roman photo traduit en arabe de l’italien. Mais aussi un pistolet et un panneau sur lequel il est écrit, en français et en arabe « Danger Mines ». Leur présence déplie les perspectives du temps. À la faille sismique se superpose la faille historique et sociale. Aux mouvements géologiques ayant généré ce paysage se juxtapose l’histoire contemporaine. S’instaure alors une ambiguïté ontologique dans la démarche : est-elle documentaire ? Est-ce de l’archéologie ? Est-ce de la science-fiction ? Entre les paysages diurnes, hors du temps ou d’une temporalité palpable et les artefacts, qui témoignent d’une présence définie à une époque qui l’est tout autant, les paysages nocturnes semblent fonctionner comme un rappel inquiétant d’un prochain conflit à venir.